Alfredo Lopez est né à Ponferrada le 17 avril 1964 en Espagne qu’il
quitte dès l’âge de 3 ans pour s’installer à Paris. Certes ses parents
scientifiques ont dû lui transmettre culture et tradition hispaniques, mais
Alfredo se fait des repères citadins ou la nature est en square peuplé de
piafs et de pigeons, où les fenêtres des immeubles sont comme des cases de
BD, où les chemins de ballades sont les rues. Je l’imagine bien, léger, un
peu rêveur, avec cette liberté que donnent les grandes villes, déambulant
sur un trottoir parisien. Je l’imagine dans les vallées creusées entre les
immeubles, dans la grisaille souvent parisienne, un soleil méditerranéen en
bandoulière.
Je ne connais pas ses fréquentations bandéssinétiques enfantines mais la
relation avec cet art est suffisamment forte pour qu’à l’âge de 18 ans,
volant de ses propres ailes il dessine pour Boulevard du Rire. Puis lance
« Narcose » avec un pote du premier magazine. C’étaient des revues vendues
dans la rue… Aussi, quelques planches publiées chez Elvi France, des
illustrations pour des bouquins (Clet Edition), des plaquettes de pub… Il
découvre le métier sur le tas, pas facile : «La bédé ça apprend le dessin,
car faut pas mal gratter ».
Plus tard il monte une société de com qui ne résistera pas aux premières
années du vingtième siècle. Un peu avant la quarantaine, conscient que le
temps passe très vite il vend cette société. Les anniversaires comptent… Il
quittait la maison familiale le jour de ses 18 ans…
Alfredo Lopez est quelqu’un qui s’interroge sur sa place dans la société,
sur le sens de la vie, Alfredo Lopez est de ce ceux, rares, qui tentent de
mettre en harmonie leurs désirs profonds et leurs rêves avec la réalité.
Fernand Léger est un des artistes que cite Alfredo. Je comprends. Il y a
effectivement un rapport entre ces peintres, dans les aplats, le choix des
sujets… mais pas dans l’esthétique, Léger est souvent monumental, Lopez plus
en douceur, dans l’intimité, dans le sentiment.
L’autre peintre qu’Alfredo aime citer c’est le brésilien
Romero Britto. Il a découvert cet artiste alors que son style était bien
établi. Je suis complètement d’accord avec Alfredo, ces deux là sont de la
même famille. Preuve que Lopez est un artiste contemporain. Il est au même
moment, avec d’autres, dans de même eaux, dans l’air du temps.
Aujourd’hui il aime sa vie, il dessine, peint du lundi au lundi.
Bien sûr, l’autonomie financière est libératrice, concourt à une forme de
liberté. Cette rupture professionnelle le place dans la réalité économique
des artistes qui n’est pas la plus simple surtout quand tu ne cours pas
après les subventions… Il refuse comme certain de peindre ce qui se vend ou
est supposé se vendre. Il préfère continuer sa route, à sa manière…
Ce peintre, tout son parcours l’indique, est un dessinateur et ça tombe
bien : il aime raconter. Il a un souvenir de prof de dessin qui le montrait
en exemple, ça aide, ça motive, ça va bien quand le graphisme est narratif
et qu’on le maîtrise…«j’ai l’inconscience d’oser raconter » dit-il. C’est un
moteur.
Il construit ses peintures. Le dessin en est le système cardiovasculaire.
Après il travaille la couleur en aplats. C’est une peinture construite,
mentale, pas trop de place pour l’improvisation, pas de gestuel, pas de
collage, pas de bricolage. Il travaille sa toile en totalité, comme un objet
industriel. Un travail soigné, lent, rigoureux presque austère pour nous
donner que des formes, des couleurs généreuses, légères, vivantes. Dans sa
démarche il y a un côté classique, contraire à cet art contemporain du
n’importe quoi, de la provocation, non pas que cette tendance je la réfute,
non, c’est pour souligner qu’il a une vraie personnalité.
Avec avoir évoqué la structure de son art, je terminerai par le plaisir. Le
plaisir d’une certaine sensualité mise en humour, le plaisir du choix du
sujet, de montrer, le plaisir des couleurs, des lignes. Peu importe la
profondeur ou pas de ses œuvres, à chacun de voir, pour moi c’est tout vu,
ce qui compte c’est qu’elles nous mettent toujours en joie. Et à la fin,
n’est-ce pas le plus important, ce qui restera et nous donne l’envie
puissante d’avoir un Lopez sur nos murs. Oui finalement c’est bien le plus
important…
L’autre jour Alfredo Lopez s’interrogeait sur ce qu’est un artiste : «un mec
comme un autre, seulement un plus impudique ». Impudique ou pas c’est un
artiste et un artiste qui rentrera dans les collections !
Dolo 5 août 2005
Site d'Alfredo Lopez
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