Et cette putain de montagne qui n'arrive pas... Plombières...
Plombières les bains... les bains.
Ça y est. On avait rancard avec une copine à Marcel à 15 h. Avant je tourne en bagnole
histoire de prendre possession des lieux. Par la petite route des scieries je quitte le
bourg. C'est le Canada dans cette vallée. Je voulais me changer. La copine je ne savais
pas d'où elle sortait. En jean je m'imaginais mieux que dans mon vieux survêt chéri de
bof. Finalement il faisait beau, pourtant ils avaient dit à la météo pas terrible. Je
n'avais rien lu sur Plombières, rien, juste acheté un guide pour les hôtels et encore
pas mon bon vieux Routard. Des balcons, des rues étroites, c'est vrai que ça a de la
gueule Plombières. Je ne sais pas pourquoi je pense à Karlsbad, Marienbad... un voyage
juste l'année du changement de régime. Partout des balcons... Je devais lire, après,
Plombières la ville aux mille balcons. Plus que des traces d'une splendeur passée, le
plaisir commence à monter. On stationne gratos, le payant c'est pour le touriste l'été.
Nous déambulons dans la petite rue principale. C'est beau. Des escaliers mystérieux, tu
penses je veux voir... après un tournant, un autre escalier... On va jusqu'au bout, à
l'opposé de Plombières... une sorte de Champs Elysées local avec contre avenue...Ça
fait vieillot à souhait. Retour au cur du bourg, la place de l'église. Cette
église noire quand je l'ai vu des images de la cathédrale de Clermont apparurent en
superposition. Il y a une terrasse de café mais il caille. Finalement une boulangerie
s'annonce en salon de thé. Une cloche bizarre... Tu n'as pas le choix, le sachet jaune et
basta ! J'aime faire le spectateur. Beaucoup de vieux qui ne s'y retrouvent pas encore
avec les Euros, les mots de solitude... A demain...la cloche... En face le tabac. La rue a
un charme désuet. Come back dans les années soixante, garanti d'époque la machine à
glace, formica et peinture Valentine... Au mieux on a des décors années soixante dix...
J'aime bien.
Nuit à l'hôtel des Sources au bord d'un torrent. On n'a pas demandé le prix vu
l'aspect. Une petite salle de resto avec du fibro au mur et un papier à motif, la
propreté accentue le coté suranné. Des cartes postales jaunies, un peu gondolées
attendent un hypothétique acheteur sur un support métallique accroché au mur. Sur le
parking en face j'imagine une mob bleue...Le patron et la patronne sont des discrets. Ils
sont nouveaux à Plombières. On se balade après le dîner dans la montagne jusqu'à la
nuit. Un merle jette le dernier chant de la journée. Bonne nuit. Je redescends les
valises. Je voyage pas mal, il devrait y avoir des étiquettes collées sur les valises
partout comme dans les films noirs et blancs.
Barbara et Marcel sont arrivés de l'autre bout de la Lorraine vers 10 h.
Marcel nous fait le tour du propriétaire. Ben il y a du boulot dans le Chalet Tivoli...
J'aime mieux pour lui que pour moi. Tout est à faire. C'est grand. Visite du futur
appartement au deuxième...pour le moment ils sont repliés dans un deux pièces au
premier avec un chauffage électrique que Barbara avait dû allumer tout de suite car il y
faisait bon. La table était dressée entourée de fauteuils de salon de jardin. Je ne
sais plus trop ce que nous nous sommes raconté. Plat unique, poulet un peu sec,
tomates... Un petit pineau en direct du producteur plutôt bien.
L'historien du coin est arrivé le premier, couvre chef rigolo sur le crâne. Il sort
très vite sa carte de visite. Prof trente ans à Plombières il s'est occupé du musée
de Plombières bien longtemps. Il a commis une série de livres consacrés à l'histoire
locale dont un a eu son heure de gloire avec Alain Decaux et une heure de télé. C'est
marrant comme les hommes de plume s'agrémentent souvent de casquette, de foulard, de
chapeau... Alors oui, il connaît bien le landerneau, la petite et la grande histoire. On
voit bien que si on le pousse il ne s'arrêtera pas. Marcel va chercher son Conilleau pour
lui faire dédicacer... Jeu de lunettes entrecoupé de commentaires chaleureux et
passionnés, il a mis une plombe pour lui écrire ses 4 lignes. Il a du métier le bougre.
Fr3 arrive. Un grand et un petit... Le petit c'est la caméra, le grand le journaliste.
Autour de la table on était complet. Ah oui il y avait aussi le peintre Alain Ponçon et
sa femme. Ça fait un moment que je le n'avais pas vu. Putain il n'a pas maigri. Ambiance
réunion clandestine. Barbara en hôtesse tasses à café et petits gâteaux se faisait
tout sourire.
L'historien qui est aussi portraitiste voit dans le petit la tête de Jaja, un cycliste
qui a raccroché il y a peu. Je ne vois pas trop la ressemblance mais j'imagine volontiers
le cameraman en rigolo du peloton, petits yeux pétillants de malice, un visage bronzé,
un de ses anonymes porteurs d'eau qui sont contents d'être là...
C'est le grand qui parle, normal c'est le journaliste... Personne à la marie n'avait eu
une minute à accorder pour répondre à ses questions. Il refait la chronologie avec Marcel.
Avec la limpidité de la vérité, le visage serein, Marcel retrace cette sordide histoire
de démolition. Il sort une double feuille où tout était écrit...fallait sortir ça
tout de suite ça aurait évité au journaliste de prendre des notes illisibles... Pas
claire cette histoire... La municipalité avait déposé une demande de démolition, puis
retiré pour remettre ça le même jour avec une
version corrigée semble-t-il... Faut dire il y a déjà un procès en cours, un courrier
d'un ministre qui est défavorable à cette démolition... Pourquoi démolir ? Pour
construire une maison de retraite ou faire une opération immobilière non avouée
actuellement. Je ne sais pas, j'imagine. Il
paraît qu'il y a déjà quelques casseroles qui résonnent sur les pavés du bourg, là
comme ailleurs... C'est un peu ballot de démolir...Ecole de Nancy... Il a de l'allure ce
grand bâtiment avec ses élégantes fenêtres toutes de courbes et sa porte... Le groupe
se colle le nez sur les vitres sales du hall, cage d'ascenseur, majestueux escalier,
dommage pour la rampe bricolée , salle de restaurant et autres salons, reconstruction
mentale facile... C'est là que le prof a enseigné 30 ans alors tu penses : tous les
gosses qui sont passés par là... Il filme. Je me fais discret. Marcel voulait que je
sois là. Je ne suis pas d'ici...Paraît que dans le bourg on ne parle pas, qu'il y a une
sorte de loi du silence, je ne vais pas te dire que c'est l'île de beauté...ni te dire
qu'il y a des pressions sur les commerçants qui s'opposent à la municipalité, c'est pas
vrai des trucs comme ça aujourd'hui. Bref Marcel était content qu'on fasse foule.
Devant la vue panoramique installée par ceux qui souhaitent détruire ce bâtiment, je me
dis que ça serait pas mal de le remettre dans son jus d'origine avec sa terrasse en guise
de toit... Paraît même qu'il y a des gens prêts à investir... Je me demande pourquoi
ils s'en priveraient.
Il n'y a pas que le luxe d'antan il y aurait plus de cent personnes qui travaillent à la
mairie. Pour 900 habitants c'est déjà du haut gamme. Et tout ça pour un effet
soporifique efficace.Pas de bruit, on dort bien ici. Ils ont terminé l'interview. Le
cameraman range ses gaules. On rentre tranquillement comme une bande de copains pour aller
boire un coup à la Paillote. En face sur le trottoir passe une connaissance à Marcel. Un
commerçant... Alors qu'est-ce tu penses de la démolition. Il voit la caméra...Moi je ne
parle dit il dans un souffle accompagné d'un regard entendu ... pas pour la télé...
entre nous...Le groupe s'éclate, salut amical à la voiture d'Fr3, l'historien après
quelques dernières citations rejoint sa voiture, Ponçon la sienne...
Je reste un moment avec Barbara et Marcel. On prend la route... Je pense à Marcel ...
c'est à gauche et tout droit... Marcel, un gêneur, un empêcheur de braves gens à
dormir en rond peinard qui donne des cauchemars aux magouilleurs de tous poils. Le génie
créatif des hommes a un jour construit l'hôtel Métropole, certains s'acharnent à
vouloir le détruire, lui dit simplement NON... On n'a même pas eu le temps de tester les
thermes. On reviendra, direction Vautron tout droit...
Joseph Dolo le 8 mai 2005
Sympa !
A.V.A.N.C.E.E
association créée dans l'urgence en août 2004 après que des particuliers aient tenté
en vain d'établir le bien-fondé de la démolition controversée de l'ex-hôtel
Métropole
Francidées
association sans but lucratif type loi 1901, elle a pour
objet la promotion du talent
Roland Conilleau historien - ses livres :
Plombières les Bains, Louis Français, Les Vosges s'affichent, Léon Husson
(éditions Pierron), L'entrevue de Plombières (presses universitaires de Nancy)... |