Depuis
l'âge de 45 ans, je suis en état d'urgence, face au temps qui
passe. Je travaille avec l'espoir désespéré de réaliser “quelques
belles toiles”. J'utilise l'acrylique pour les sous-couches et
l'huile pour les couches supérieures. Je n'ai jamais pu abandonner
l'huile malgré le long temps de séchage. Cette lenteur ne suit pas
toujours le rythme de la création mais permet le dialogue avec le
tableau.
L'origine
d'une peinture est complexe. Chaque peinture a son histoire. Mon
grand livre de toiles suit une chronologie imprévue, chaotique,
mais non dénuée de signification.
Si
je suis constant dans la durée, car je travaille simultanément
plusieurs séries qui s’étirent dans le temps, je suis très
différent au fil de la journée, car j’ ai besoin de ruptures et
passe ainsi d’une toile à l’ autre.
Cela
commence par une envie qui se prolonge par quelques traces de fusain
que je dessine ou efface au gré de mon ressenti,
démarche déterminante pour la réussite de l’ œuvre, puis
je superpose les couches de peinture, jusqu’à, parfois, saturer
les couleurs.Assis
dans mon fauteuil, je passe beaucoup de temps à écouter mes
peintures. dans un mystérieux échange. J'attends qu'elles suscitent
des envies, qu'elles m'aident à trouver une nouvelle énergie, un
nouvel équilibre sur la toile.
J'aime
faire un maximum de lectures de mes peintures ainsi réalisées, sans
refuser pour autant l’ambiguïté . La réalisation d'un
tableau peut prendre plusieurs mois ou quelques heures. Le temps ne
fait rien à l'affaire.
La
technique en perpétuelle évolution fait partie de mon plaisir
d’artiste. Si je suis parfois porté par une inspiration subite
venue d'ailleurs, le plus souvent je besogne. Plus je vieillis, plus
je demande, plus je puise en moi Je me nourris de nuages et de vent,
de rencontres qui m’aident à découvrir et à montrer ces humains
ordinaires et pourtant si extraordinaires porteurs de solitude,
de tendresse, d’émotions, de dérisoire, de rêves, de blessures
connues et inconnues, tous soumis au temps qui passe.
Ainsi
se trouvent posés, dans une forme de poètique, les thèmes sociétaux qui
nous interrogent sur notre devenir, mais aussi les grands
questionnements – aux réponses improbables- sur le sens de la vie.
Conscient
des bouleversements mondiaux qui nous projettent
dans un avenir technologique, économique voire culturel
incertain – progrès ou régressions dont on ne peut toujours
déceler les contours - je peins dans l’ombre de ma
grotte…