Les vieux
Extrait des
Hauts du Loir
(1984)
Il n'y a pas si longtemps les villages
étaient encore ridés, parcheminés et gris. D'un pays à l'autre, ils avaient un air de
famille, un cousinage de bauge, de chaume, de pierres de Beauce. La terre et l'usage de la terre avaient terni les couleurs des rues et des hommes. Chaque façade, chaque pignon avec la bosse de son four à pain, de proche en proche, jusqu'au Perche, jusqu'à la Loire sortaient des mêmes tours de mains, d'identiques recettes, de vieilles habitudes léguées de patron à apprenti, de père en fils. Le vent aussi les avaient collés, presqu'enfoncés en terre... Ils se ressemblent encore, mais depuis, la ville a prêté ses maisons, ses sous-sols, ses conifères. Les vieux sont devant la télévision ! Ils ont abandonné les talus, le coin des rideaux. La pénombre des cuisines s'éclaire toute la journée de reflets bleutés comme si un orage permanent menaçait sous les toits. |
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