Je me trouvais l’autre jour à la sortie
d’une grande surface, côté fleurs ou côté pinard, je ne me souviens
plus, mais ce dont je me souviens c’est du grand caddy de ces deux
gosses, dix-neuf, vingt ans, la fille, le garçon et cet immense caddy
dans lequel ils ramenaient un paquet de pommes chips, un paquet de pâtes
alimentaires et peut-être pour un petit bonheur du palais une bouteille
de ketchup. A la caisse ils payèrent à deux, en cherchant bien… Vous
voyez, moi, ça me bouleverse ce grand caddy et ces deux gosses, leurs
chips et leurs nouilles…
Mais l’histoire ne se termine pas encore, le 24 du mois de mars 2006,
une dame, dans une autre surface, s’achetait une tranche de pâté, une
dame de la cinquantaine, bien propre et ordinaire, avec un travail, la
preuve : quand la vendeuse lui demanda : « c’est tout madame ? » elle
répondit : «oui c’est tout » et elle ajouta en se tournant vers moi avec
un petit sourire contraint : « on va attendre la fin du mois… »
Qu’on veuille bien excuser l’a peu près du mot, ce presque néologisme,
mais ça fait mal, ça « infirme » ça « invalide » le cœur et ça nie, ça
infirme nos appartenances à une société.
J’ai connu, il y a bien des années, les clochards qui pochetronnaient
sur les quais, mais quoi aujourd’hui ? des misères de gosses, de mères,
de grands-mères.
L’histoire bégaie donc, tout cela ressemble à ce début du 19ème
siècle où le pauvre était un marginal qui devint commerçant, artisan,
ouvrier en 1850… Quatre cent mille bons de pain pour un million
d’habitants à l’époque à Paris ! Ça ne vous dit rien à vous ? Ça en
ferait combien aujourd’hui ? deux millions, trois ? d’ailleurs combien
de parts aux resto du cœur et aux autres assos distribuées aujourd’hui ?
On se la fait industrielle la misère et l’égoïsme institutionnel… Qu’on
me donne un pauvre à moi (ou en copropriété au cas où j’aurai du mal à
faire le riche), là au moins j’aurai la certitude qu’il ne sera pas
oublié devant un carré télé où cette réalité devient virtuelle ! |